Le château de notre enfance (26)

Publié le par muriel-anne

Le château de Suze-la-Rousse tient une place toute particulière dans nos souvenirs d’enfance. Il évoque des dimanches à jouer à cache-cache dans la Garenne, des soirs de bal costumé dans sa Grande salle, des fêtes de la musique… Aujourd’hui nous ne participons plus aux festivités organisées au château mais nous l’avons revisité pour vous.

 


Le château de Suze-la-Rousse trône au sommet d’une petite colline où se loge dès l’Antiquité un oppidum. Il impose de son promontoire toute sa puissance sur le village qui s’étend à ces pieds. Construit par la famille des Baux, princes d’Orange, au XIIe siècle, il s’installe à l’emplacement d’un ancien relais de chasse. Celui-ci avait eté donné par Charlemagne à son cousin Guillaume d’Aquitaine.

Le château médiéval qui sert de place forte est paraît de tous les attributs défensifs : mâchicoulis, créneaux, tourelles, échauguettes, meurtrières. En se baladant autour du monument on peut toujours observer ce dispositif militaire. A plusieurs reprises, comme en 1587 contre les Calvinistes, le château démontre son efficacité à défendre les habitants du village. Une porte, dite « du derniers recours », est installée au XVIe siècle afin que les villageois pénètrent directement au cœur de l’édifice protecteur. A l’instar de leur château les seigneurs de Suze vont s’illustrer dans les conflits qui jalonnent l’Histoire de France. A la famille des Baux succèdent celle des La Baume au cours du XVIe siècle. Le plus connu d’entre eux reste François de la Baume qui devient seigneur de Suze en 1551. Fervent catholique il se bat au côté du roi de France lors des guerres de Religion. Sa loyauté envers le royaume est récompensée en 1572. La seigneurie de Suze est alors érigée en Comté. Quelques années plus tard en 1578, François de la Baume est nommé par Henri III Amiral des mers du Levant et Gouverneur de Provence. Gouvernement qu’il doit abandonner un an plus tard. Le Comte de la Baume est mortellement blessé à Montélimar lors du siège de la ville par les Huguenots en 1587. La dernière descendante de la famille des La Baume-Suze, la comtesse de Bruyas décède en 1958. Elle lègue le château à l’association parisienne des « Apprentis orphelins d’Auteuil ». L’association qui n’a pas les moyens suffisants pour entretenir l’édifice le vend aux enchères en 1963. Le Conseil général de la Drôme use de son droit de préemption pour l’acheter.

Le château de Suze-la-Rousse se transforme au cours des siècles mais il garde son aspect extérieur massif. Il est construit avec des pierres prélevées sur le promontoire où il est situé. Sa façade principale est flanquée de deux tours colossales. Elles sont renforcées à leur base par des contreforts qui se terminent dans le fossé protégeant l’accès au château. On devine à gauche de l’entrée une ancienne porte et on aperçoit la naissance de l’arc qui soutenait le premier pont d’accès. Au XVIe siècle l’apparence du monument est adoucie par l’ajout d’ouvertures sur ses façades. La forteresse est mise au goût du jour à cette époque. Le pont-levis est remplacé par un pont dormant que l’on emprunte encore aujourd’hui. On pénètre dans le château par une porte Louis XIII. La cour intérieure est directement inspirée du style italien avec ses fenêtres à meneaux, ses arcades et ses façades décorées de pilastres d’ordres toscan, ionique et corinthien. Les écussons et les gargouilles qui décoraient la cour ont été en grande partie détruits durant la Révolution. Ils sont aujourd’hui restaurés pour la plupart d’entre eux. On en a juste gardé quelques uns pour témoigner des évènements révolutionnaires. La cour a retrouvé sa splendeur d’antan. J’ai toujours imaginé en ce lieu la noblesse de la région parée de ses plus beaux atours venant rendre visite au seigneur de Suze. Ce dernier recevant ses hôtes en haut de l’escalier à double révolution, construit en 1626, qui se déploie, majestueux, dans le vestibule de l’édifice. Il faut lever les yeux pour observer la maîtrise de la technique employée lors de la construction de cet espace. Pour produire une élévation aux lignes douces les bâtisseurs ont utilisé le système des voûssements. Ainsi on obtient une architecture toute en courbes. L’escalier a lui aussi été victime des destructions de la Révolution. Il est entièrement restauré au XIXe siècle. On va alors joué sur les faux semblant en réalisant des décors en trompe l’œil. Approchez vous des marbres et vous constaterez la supercherie !!!

 
La cour d’honneur comme le grand escalier ont été réalisés avec des pierres de Saint Restitut (26). A l’étage s’ouvrent à nous la salle des Armures puis la salle de Gardes. On voit lorsqu’on rentre dans cette pièce une immense cheminée datant du XVIe siècle et un portrait grandeur nature représentant en un seul personnage les hommes de la famille des La Baume-Suze. Deux autres tableaux illustrant François de la Baume à la bataille de Montélimar ornent le mur de par et d’autres de la cheminée. C’est dans ce décor propice à nos rêves de petites filles que nous avons passé étant enfants quelques soirées inoubliables. Qui a dit que grandir dans un petit village drômois était ennuyeux ?!

La visite du château se poursuit dans la bibliothèque avec son plafond en châtaignier du XVIe siècle. Suivent trois petites pièces où sont organisées depuis quelques années des expositions de photographies. Dans la première jouez les détectives pour trouver une cachette sous une dalle du plancher. Dans la seconde des ornements en gypse décorent les murs. En regardant attentivement on reconnait les quatre saisons. Dans cette salle également se dissimulent des petits détails originaux. Il faut observer les peintures qui agrémentent les deux fontaines accolées à la paroi nord. Des visages d’anges se cachent dans les bulles… Une dernière pièce est à découvrir dans la tour nord. Il s’agit du salon octogonal. Là encore le plafond est paré de gypserie. Ce décor sur le thème de la vigne date du XVIIIe siècle.

Le château de Suze-la-Rousse héberge depuis 1978 l’Université du Vin qui accueille des étudiants venus du monde entier désireux de travailler dans les métiers de la vigne et du vin (commerce, œnologie, métier de bouche). On ne peut donc pas visiter le deuxième étage du château où se trouvent les bureaux et une partie des salles de cours de l’Université.

Il nous reste à visiter « la Garenne ». Ce parc de 23 hectares s’étend à l’ouest du château de Suze-la-Rousse. En sortant de l’édifice, sur votre droite, vous pouvez pénétrer dans le jeu de paume. Ce bâtiment à une histoire assez exceptionnel. La légende raconte qu’il aurait été bâti en trois jours et trois nuits par les habitants du village sous les ordres de François de la Baume-Suze. Cette construction hâtive est due à la visite de la  cour royale. Le 21 septembre 1564 Suze accueille le jeune roi de France Henri IX, sa mère Catherine de Médicis, sa sœur Margot, le duc d’Anjou, Henri de Navarre et autres cardinal de Guise et duc de Savoie. C’est pour plaire au roi alors âgé de 14 ans qu’aurait été construit le jeu de paume, jeu qu’il affectionnait tout particulièrement. Il ne subsiste aujourd’hui que les murs d’enceintes de cet ancêtre du tennis. Catherine de Médicis revient à Suze-le-Rousse le 15 juillet 1579 lors d’un second voyage mais cette fois dans le but de faire cesser les affrontements entre les catholiques et les protestants du Dauphinais.

Vous pouvez ensuite vous baladez dans les sentiers qui jalonnent toute la forêt. A l’extrême ouest du parc vous découvrirez la chapelle Saint Michel qui date du XVIIe siècle. En revenant sur vos pas suivez le fléchage qui vous guide jusqu’à la glacière récemment mise en valeur. Contrairement au jeu de Paume, et on le déplore, il n’existe pas de panneau qui nous renseigne sur ce vestige. C’est également le cas pour le pigeonnier qui se trouve à quelques mètres à l’est. Il ne reste de ce dernier que la structure en arrondie, le toit ayant en grande partie disparu. Ce qui vaut surtout le détour en ce lieu c’est la vue que l’on a sur le village et sur son territoire avec son vignoble à perte de vue et les pré alpes en arrière plan. Nous vous conseillons de terminer votre promenade en descendant au pied du château. On se trouve alors dans le fossé qui protégeait autrefois le monument. On ressent toute la force de la forteresse médiévale qui s’élève sous nos yeux. Sur la droite on peut voir les bâtiments de l’Université du Vin. En logeant le château vous arrivez devant la porte « du dernier recours ». Vous pouvez pour terminer votre promenade descendre dans le village par la calade récemment restaurée. Vous parvenez par ce chemin dans le vieux Suze.

 

Le château de Suze-la-Rousse est classé au Monument Historique depuis 1964. Il est géré par le département qui organise chaque année en relation avec le château des Adhémar à Montélimar et le château de Grignan des évènements autour de l’art contemporain. Le château de Suze reçoit également dans sa cour d’honneur les mois d’été des concerts classiques.

Nous espérons que vous apprécierez autant que nous ce château cher à notre cœur qui restera à jamais le symbole du village de notre enfance.

Bonne visite et à bientôt pour d’autres découverte en Provence. 

Rendez-vous dans l'album pour visualiser toutes nos photos du château de Suze-la-Rousse.

 


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